4 avril 2024
Protection de l'environnement, Produits chimiques

Les PFAS : questions-réponses

Que sont les PFAS ? Pourquoi posent-ils problème ? Quelle est la réglementation aujourd'hui ? France Chimie fait le point pour répondre aux questions sur ce sujet complexe

Les PFAS et leurs effets

Que sont les PFAS ?

Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, souvent appelées « PFAS », sont un groupe diversifié de produits chimiques qui sont utilisés par de nombreux secteurs industriels et présentes dans beaucoup de produits de la vie courante.

La famille des PFAS est très étendue et variée. On parle de 4 000, 5 000 voire 10 000 substances, qui contiennent toutes des liaisons carbone-fluor très stables. On les retrouve sous 3 formes : le plus souvent liquide (par exemple, les alcools fluorotélomères) ou gazeuse (par exemple, les réfrigérants à base d'hydrofluorocarbures), mais ils existent aussi sous forme solide (par exemple, les fluoropolymères).

Dans quels produits les trouve-t-on ? Pourquoi sont-ils si répandus ?

Les PFAS sont très répandus car ils ont des propriétés uniques : résistance aux milieux corrosifs, à la température, antiadhérents, excellents isolants électriques, ou encore leur biocompatibilité.

C’est pour cela qu’ils sont utilisés dans de nombreux secteurs industriels et qu’on les retrouve dans beaucoup de produits de la vie courante, tels que des dispositifs médicaux et certains médicaments, les téléphones portables, les tablettes et les systèmes de télécommunications, les semi-conducteurs hautement techniques, les avions, les panneaux solaires, les turbines et les batteries essentielles aux énergies alternatives.

Ils sont par ailleurs présents dans de nombreuses usines de procédés en tant que réactifs, ou fluides (lubrifiants ou réfrigérants) ou encore comme élément d’un équipement (pompes, vannes, joint, tuyau) du fait de leur résistance aux milieux corrosifs, à la température et/ou à la pression. Certains procédés (électrolyse, chimie de spécialité) utilisent des membranes qui contiennent des PFAS.

Pourquoi les PFAS posent-ils un problème ?

Les liaisons chimiques (carbone-fluor) présentes dans les PFAS comptent parmi les plus stables. Grâce à cela, les PFAS sont très résistants mais ils se dégradent très peu une fois dans l’environnement (dans l’eau, l’air ou les sols). Certains peuvent s’accumuler dans les organismes vivants et se retrouver dans la chaîne alimentaire. D’autres sont mobiles, transportés sur de très longues distances par l’eau ou l’air loin de leur source d’émission. On peut mesurer aujourd’hui des PFAS dans de nombreux milieux. Même si les concentrations quantifiées sont souvent très faibles et les substances analysées variées, l’imprégnation des organismes et des milieux est un motif de préoccupation légitime qui impose d’en évaluer les risques et, le cas échéant, de prendre les mesures de réduction qui s’imposent.

La dangerosité des PFAS pour la santé et l’environnement a fait l’objet de nombreuses études, et les connaissances continuent de progresser sur ce nombre important de substances. La dangerosité est avérée pour un nombre limité de ces composés chimiques1, qui présentent des effets avérés sur l’organisme, comme par exemple l’augmentation du taux de cholestérol, l’apparition de cancers ou des impacts sur la fertilité et le développement du fœtus. Certains sont suspectés d’interférer avec le système endocrinien (thyroïde2) et immunitaire3. Toutefois, une toxicité n'est pas avérée à ce jour pour tous les PFAS. Certains composés bien caractérisés n’ont montré qu’un potentiel de persistance, sans autre dangerosité. Des études par sous-familles ont été et continuent d'être menées, au regard du grand nombre de structures chimiques à investiguer.

Enfin, comme pour toute autre substance chimique, si un PFAS présente un potentiel de toxicité ou d’écotoxicité avéré et que ce risque ne peut être maitrisé, il est important d’en restreindre l’usage pour éviter l’apparition d’effets néfastes dans les milieux et les populations.

1 PFOA, PFOS, PFHxS, PFHxA, …

PFHpA

3 Précurseurs de PFAA

Tous les PFAS sont-ils identiques ?

Tous les PFAS ne sont pas identiques et il n'est pas scientifiquement exact ou approprié de les considérer tous comme présentant un risque. Chaque substance chimique a ses propres propriétés et des utilisations qui peuvent avoir un impact différent sur la santé ou l’environnement.

Certains PFAS sont sous forme solide (par exemple, les fluoropolymères), d'autres sont des liquides (par exemple, les alcools fluorotélomères) et d'autres gazeux (par exemple, les réfrigérants à base d'hydrofluorocarbures). Certains PFAS sont des polymères de taille importante, à chaine longue, tandis que d'autres sont de plus petites molécules qui peuvent se déplacer plus facilement dans l'environnement.

Interdire, mieux réglementer, taxer ?

Pourquoi les PFAS ne sont-ils pas interdits ? 

En Europe, une réglementation très stricte encadre la production et l’utilisation des substances chimiques (voir question suivante). Certaines substances de la famille des PFAS ont ainsi déjà été interdites (PFOA et PFHxS) ou fortement restreintes (PFOS) dans leur production, utilisation et mise sur le marché.

Mais les préoccupations quant aux PFAS sont assez récentes et les connaissances scientifiques dans ce domaine évoluent en permanence, permettant de mieux en mieux connaitre les éventuels effets sur la santé et l’environnement des différentes substances. La famille des PFAS regroupe en effet de nombreuses substances variées dont les risques potentiels ne sont pas de même intensité.

Dans le cadre du projet de restriction des PFAS en cours d’adoption au niveau européen, l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques) devra se prononcer sur le danger intrinsèque de ces 5000 substances et sur le risque qu’elles engendrent pour la société. Des interdictions par usage en découleront. Les avis de l’ECHA permettront d’orienter les efforts d’innovation des industriels dans des produits de substitution. 

Les PFAS sont utilisés par de nombreuses industries et parfois impossibles à remplacer avec les procédés et les technologies actuelles. Les interdire en bloc au niveau européen ferait peser un risque important sur la production industrielle et l’emploi et compromettrait la transition énergétique et la souveraineté de l’Europe, et ce alors que leur toxicité n’est parfois que suspectée et que des mesures peuvent être prises pour maitriser ce risque.

En France, les industriels sont engagés dans une vaste campagne de prélèvements et de mesures des rejets aqueux des sites qui permettra de détecter la présence éventuelle de PFAS et d’en comprendre la cause, le cas échéant. Ces analyses permettront d’identifier, selon l’origine des PFAS, les pistes de réduction et traitements adaptés à mettre en œuvre. L’utilisation de mousse incendie fluorée, conformément à la réglementation, a été une source de contamination des sites.  

Où en est la réglementation ?

Au niveau international

La Convention de Stockholm de 2001, accord international visant à encadrer certains polluants organiques persistants, réglemente la fabrication et l’utilisation de plusieurs composés de la famille des PFAS (PFOS1, PFOA2 et PFHxS3) au niveau mondial. D’autres composés PFAS devraient intégrer la liste des substances soumises prochainement. 

Cette Convention réglemente aussi la gestion des déchets contenant des polluants organiques persistants. Certains PFAS sont déjà concernés, d’autres devraient intégrer la convention prochainement.

En Europe

En Europe, le règlement REACH4 a déjà permis des restrictions d’utilisation de certains PFAS.

De plus, 20 PFAS sont ciblés dans la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, et autant dans le projet de révision de la liste de substances prioritaires de la Directive Cadre sur l’Eau.

Enfin, un renforcement de l’encadrement de ces substances est attendu :

  • D’une part, dans le cadre de REACH, par un projet de restriction d’utilisation aux seuls usages essentiels, en cours d’analyse ;
  • D’autre part, via d’autres réglementations (déchets, matériaux en contact des denrées alimentaires, émissions industrielles), par des mesures de surveillance et de réduction, complétées par des actions non réglementaires.

En France

Porté par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le plan d’action PFAS 2023-2027 vise à réduire les risques à la source, à poursuivre la surveillance des milieux, à accélérer la production des connaissances scientifiques et à faciliter l’accès à l’information pour les citoyens. Il s’appuie sur 6 axes stratégiques :

  • Axe d’action 1 : Disposer de normes sur les rejets et les milieux pour guider l’action publique;
  • Axe d’action 2 : Porter au niveau européen une interdiction large pour supprimer les risques liés à l’utilisation ou la mise sur le marché des PFAS ;
  • Axe d’action 3 : Améliorer la connaissance des rejets et de l’imprégnation des milieux, en particulier des milieux aquatiques, pour réduire l’exposition des populations ;
  • Axe d’action 4 : Réduire les émissions des industriels émetteurs de façon significative ;
  • Axe d’action 5 : La transparence sur les informations disponibles ;
  • Axe d’action 6 : Une intégration, à moyen terme dans le plan micropolluants.

L’action n°2 correspond aux initiatives de la France pour accélérer et orienter le projet de restriction envisagé dans le cadre de REACH.

L’action n°4 se traduit par l’adoption d’un arrêté ministériel prescrivant, à 5000 installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) soumises au régime de l’autorisation, la surveillance dans les rejets aqueux de toutes les substances PFAS susceptibles de s’y trouver. Les industriels ont démarré leur campagne de mesures dont les résultats seront étudiés par le ministère courant 2024. Devraient ensuite être pris d’autres textes réglementaires visant la surveillance pérenne des PFAS dans les effluents aqueux des exploitants émetteurs puis fixant des valeurs limites d’émission.

1 Acide perfluorooctanesulfonique
2 Acide perfluorooctanoïque
3 Acide perfluorohexanesulfonique
4 REACH: Registration, Evaluation and Authorisation of CHemicals

L’industrie chimique est-elle opposée à une réglementation plus stricte ?

L’industrie de la Chimie soutient une réglementation européenne proportionnée et différenciée des PFAS.

Elle appelle à ce que l’encadrement de ces 5 000 à 10 000 substances soit différencié selon le risque qu’elles représentent pour la santé et pour l’environnement. C’est-à-dire selon leurs différents profils toxicologique et éco-toxicologique et selon leurs différents usages (en tant qu’intermédiaires de synthèse ou réactifs, dans les équipements industriels, professionnels, les articles pour les consommateurs, à usage diffus ou non).  

L’industrie a besoin de visibilité : d’une part pour orienter son effort d’innovation dans des alternatives plus vertueuses, tout aussi efficaces et compétitives, et d’autre part, pour être en mesure de confirmer des investissements stratégiques pour l’Europe (batteries, hydrogène, micro-électronique, santé). Elle appelle donc à ne pas attendre la fin de la procédure de restriction en cours et à publier au fur et à mesure les avis de l’agence européenne.

Pour être efficace, cet encadrement des PFAS devra s’accompagner d’un contrôle strict des importations des articles pouvant utiliser des PFAS dans leur fabrication, problème qui se renforce avec le développement du commerce en ligne.

Cette approche doit également s’inscrire dans le cadre d’un contrôle renforcé des émissions des sites industriels (tel que le propose le Plan PFAS du gouvernement) et d’une gestion adaptée des déchets.

En revanche, France Chimie ne soutient pas des interdictions nationales, qui feraient fi de l’évolution de la réglementation européenne en cours.

Ne peut-on pas appliquer le principe du pollueur-payeur ?

L’industrie de la Chimie soutient le principe pollueur-payeur : celui-ci doit être appliqué selon des principes robustes et concerner l’ensemble des secteurs qui rejettent aujourd’hui des PFAS.

Pour être efficace, cela suppose d’abord que les méthodes analytiques de mesure des rejets soient fiables et que la méthode de calcul soit définie. L’arrêté du 20 juin 2023 en fixe le cadre.

Ce principe devra s’appliquer à toutes les entités, publiques ou privées, et ne pas concerner seulement les activités industrielles. A défaut, il constituerait un impôt de production de plus pour l’industrie française. De plus, il conviendra de ne prendre en compte que les rejets ajoutés dans l’environnement, c’est à dire directement liés à l’activité des sites concernés.

Enfin, le code de l’environnement dans son article L213-10-2 encadre les montants maximums que les agences de l’eau doivent appliquer pour ce type de rejets. Il n’y a pas lieu d’introduire un tarif différent.   

Détecter et réduire la présence des PFAS

Pourquoi découvre-t-on seulement maintenant des taux importants de PFAS sur plusieurs sites ?

Les PFAS sont fabriqués car ils présentent des propriétés et des performances très intéressantes pour de nombreuses applications. Mais la connaissance sur ces substances évolue et la préoccupation quant à leurs impacts sur la santé et l’environnement est relativement récente.

Les industriels, les autorités et l’ensemble de nos organismes de recherche sur la santé se sont donc intéressés aux PFAS ces dernières années, en en faisant une préoccupation première. C’est grâce au renforcement des contrôles et des analyses menés qu’on est aujourd’hui en mesure de mieux connaitre les risques liés à ces substances et de mieux détecter leur présence dans l’environnement.  

Quels sont les principaux sites de Chimie émetteurs de PFAS ?

A ce stade, il est difficile d’établir une liste des principaux émetteurs.

Une campagne de prélèvements et de mesures initiée par le ministère est en cours. Les premiers résultats ont été renseignés, comme demandé par arrêté et transmises aux autorités. Certaines régions ont publié ces données mais on est encore loin d’une vision nationale du sujet. De plus, tous les industriels n’ont pas encore remis ou terminé leurs mesures puisque la campagne s’étale sur un an.

Quelles mesures prennent les entreprises pour limiter ces rejets dans l’environnement ?

Les entreprises de la Chimie sont pleinement engagées dans la maîtrise des impacts environnementaux (air, eau, sols, déchets…) de leurs installations. Les sites mettent en œuvre les meilleures techniques disponibles (MTD) dans le cadre de la réglementation des émissions industrielles (IED) qui vise les activités industrielles polluantes. Elles y consacrent près de 900 millions d’euros par an. La Chimie a par exemple réduit de plus de 80% ses émissions de métaux lourds ou phosphore dans l’eau et de plus de 50% ses émissions d’azote.

Concernant les rejets de PFAS, les sites producteurs de PFAS sont engagés dans les démarches de progrès qui sont définies avec les pouvoirs publics, dans leurs arrêtés préfectoraux au gré des nouvelles connaissances acquises sur les risques de ces substances.

Les autres sites industriels participent à la campagne de mesures afin d’évaluer la quantité de PFAS qu’ils ajoutent éventuellement dans l’environnement et, selon les résultats, pourraient être amenés à engager des plans d’actions complémentaires et des investissements correspondants. Il s’agit de la première campagne de mesures de PFAS. Elle est destinée à quantifier les niveaux de rejets des sites, fixer des valeurs limites d’émission, et mettre en place des traitements pour réduire en cas de dépassement significatif. Le contexte local devra être pris en compte.

Enfin, France Chimie est impliquée depuis 2 ans dans un programme avec le GESIP pour la qualification d’émulseurs sans fluor (utilisés pour éteindre les incendies) – ce qui devrait permettre de réduire une des sources connues de rejets dans l’environnement.

Comment font les industriels pour en éliminer la présence ou réduire les concentrations dans les rejets ?

A date, il existe plusieurs solutions de traitement pour réduire la présence des PFAS dans les eaux de rejets : adsorption au charbon actif, séparation par osmose inverse ou nanofiltration, ou l’utilisation de résines échangeuses d’ions. D’autres procédés pourraient prochainement voir le jour.

La performance de ces différentes solutions est variable en fonction du type de PFAS. Les niveaux d’efficacité varient entre 40% et 95%.

Il appartiendra à chaque site, présentant un niveau de rejet considéré comme excessif par les pouvoirs publics, d’évaluer la meilleure technologie à retenir en tenant compte de plusieurs facteurs comme le ou les PFAS concernés, l’efficacité et le coût de la technologie mais aussi les volumes de rejets à traiter.

Pourquoi l’industrie n’utilise-t-elle pas des alternatives aux PFAS ?

Peu d’alternatives existent aujourd’hui à ces substances chimiques qui jouent souvent un rôle crucial dans la production industrielle et certains secteurs sont pleinement engagés dans la recherche de substances de substitution.

Chaque fois que cela est possible, des entreprises ou des secteurs ont déjà cessé d’en utiliser. C’est le cas, par exemple, du secteur de la cosmétique qui, au niveau européen, a annoncé qu’il cesserait toute utilisation d’ingrédients contenant des PFAS d’ici 2026. Autre exemple : plusieurs industries travaillent à la substitution des mousses incendies fluorées utilisées sur les sites, mais aussi très largement par la sécurité civile, les pompiers, la défense ou les aéroports.

Enfin, recourir à des alternatives aux PFAS n’est pas la seule réponse. Certaines applications ne disposent d’aucune solution alternative aujourd’hui (notamment dans la chimie fine pharmaceutique). Dans d’autres cas, les solutions sont moins vertueuses, pas aussi efficaces et parfois très coûteuses. Il incombe alors aux industriels d’agir pour maitriser les risques liés à ces substances aux performances uniques, tout au long du cycle de vie de leur production : en amont, en éliminant autant que possible leur présence dans leurs rejets, et en aval, en veillant à une gestion responsable de la fin de vie des produits qui en contiennent.

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Questions-réponses sur les PFAS - avril 2024

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